Il fut un temps où nous condamnions la tutelle intellectuelle caractérisant certains philosophes occidentaux à l’égard de notre culture, ou bien l’ingérence politique et sociale imposée, par moult procédés habiles ou maladroits, à nos nations; mais il ne nous venait pas à l’esprit qu’un pareil paternalisme puisse émaner d’un romancier (Car c’est bien ce qu’est, avant tout, Tahar BenJelloun), qui de surcroît n’appartient pas, quoi qu’il puisse dire ou faire, à une autre culture qu’à celle qu’il tente de stigmatiser!
Certains diront que Tahar Benjelleoun ne stigmatise que les islamistes, et pas tous les musulmans, encore moins l’Islam en tant que religion.
Je me contenterai de rappeler que, lorsque Tahar Benjelloun assure qu’il n’y a pas d’islamistes modérés, dans le contexte français actuel, dominé par le climat de haine et par la facilité dans les amalgames islamophobes, et où certaines voix, bien médiatisées d’ailleurs, n’hésitent pas à vouloir effacer toute distinction entre Islamisme et Islam; il franchit inéluctablement le premier pas vers une stigmatisation de toute une religion, et contribue à attiser les braises de l’Islamophobie.
Car, que Tahar BenJelloun le veuille ou pas, les islamistes sont une composante essentielle, non seulement du champs politique, mais de toute la société marocaine d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’une idéologie marginale, ni d’un groupe minoritaire, ni d’un parti radical oevrant dans la clandestinité.
Ce langage d’incitation à la marginalisation de cette tranche importante de la population, au lieu du langage de la conciliation et du respect des règles du vivre ensemble; ne peut qu’aboutir à des scénarios catastrophes, à l’image de ce qui se passe, malheureusement, dans certains pays du moyen-orient.
Mais il est, parait il, des écrivains et intellectuels qui renient leurs racines culturelles, et aliènent volontairement leur liberté de pensée à l’Idéologie occidentale dominante (car il s’agit bien d’une Idéologie), dans une sorte de pacte Faustien pour le moins ambigu.
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Pécher par excès d’ignorance?
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Dans son article, Tahar Benjelloun a démontré une parfaite méconnaissance de la politique au Maroc, de ses méandres et remous, des règles, déclarées ou non, qui la régissent; accompagnée d’une ignorance, réelle ou simulée, des spécificités socio-culturelles du Maroc.
Bien que je soie personnellement très critique à l’égard du gouvernement précédent, pour des raisons diverses, je trouve que la légèreté avec laquelle Tahar Benjelloun balaie d’un coup de plume le bilan global du gouvernement, témoigne d’un manque d’objectivité, voire d’une malhonnêteté intellectuelle!
Refuser toute action positive à ce parti, et constater, en même temps, que les marocains lui ont donné leurs voix massivement, revient à dire que les marocains sont ignares, incultes, incapables de discerner les discours populistes, et il faudra donc les accompagner pour parfaire leurs décisions, et pourquoi pas les re-coloniser par Mère-France afin de leur inculquer les rudiments de la démocratie!
Ceci est d’un mépris incroyable, qui nous rappelle, cependant, un discours récurrent chez les élites occidentales durant le dernières décennies.
Les gens votent pour les islamistes, au Maroc et ailleurs, parce qu’ils sont les plus intègres, et les moins entachés par la corruption; et aussi parce qu’ils ne vont pas, dans la limite de ce que permet la culture occidentale hégémonique, à l’encontre des préceptes de la religion majoritaire au pays, à savoir l’Islam.
Quelle parfaite démonstration d’iniquité, que d’invectiver les islamistes, et traiter leur parti de tous les noms; et de se contenter de parler du parti PAM en tant que parti de Centre-Gauche!!
Quelle manque de professionnalisme, que de se borner dans l’affaire du cheikh Hammad Kabbaj, à répéter les ragots d’une presse agonisante, et cherchant à ressusciter par le mensonge et la calomnie!
Quelle expression d’ignorance qui frise le ridicule, que de parler des députés polygames comme exemples des scandales de mœurs, alors que la polygamie est autorisée aussi bien par la jurisprudence islamique, que par la législation en vigueur au Maroc!!
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Et l’Histoire calomniée aussi!
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A force de vouloir parler de tout, et d’étaler sa culture devant un lectorat non spécialisé, on finit par dire des énormités!
Ibn Taymiah n’est pas, comme le dépeint injustement Tahar Benjelloun, un obscur théologien, dont les idées auraient inspirés Daech; mais il est au contraire un illustre savant reconnu par toutes les écoles de théologie et de pensée islamique. En faire l’éloge, est loin d’être un crime!
Ibn Taymiah représente une école florissante de théologie et de jurisprudence. Il s’est érigé contre toutes les déviations et les hérésies, reconnues en tant que telles par la grande majorité des théologiens musulmans, dont Al Ghazali lui même (Panthéisme de Ibn ‘Arabi et Ibn Sab’in; Philosophie péripatéticienne de Avicenne et Al Fârâbî, Mou’tazilâ considérés, à tort, par beaucoup d’orientalistes occidentaux comme les gardiens de la liberté et de la Raison!).
Ibn Taymiah incitait les croyants au Djihad, comme le faisaient et le font, tous les savants de l’Islam sans aucune exception. Je comprends que ce terme soit de nos jours imprégné de concepts qui font peur, mais cette ambiguïté ne doit pas nous amener à nier l’existence dans l’Islam du Djihad, au sens noble du terme, et qui est prôné par Ibn Taymiah et ses semblables.
Ibn Taymiah n’était ni intolérant, ni violent – au mauvais sens du terme. Mais Tahar Benjelloun se permet d’avancer n’importe quelle assertion, du moment qu’il n’y a personne pour le contredire!
Finalement, autant nos islamistes sont dans la tolérance et la conciliation, autant certains intellectuels sont dans l’incitation à la haine et la recherche du conflit.